VINCENT CRUEGE

Mojave / Electric Moons du 10 juillet au 23 août 2025

Vernissage le jeudi 10 juillet 2025 de 18h à 21h  

Pour cette première exposition à la Bakery Art Gallery, Vincent Cruège, figure bien connue du monde viticole, présente une grande peinture murale, deux séries de toiles “californiennes”, et ses Pebbles (Galets).

L’arrivée d’un œnologue dans le champ de la peinture peut susciter des réactions : est-ce un caprice tardif ? Un loisir contemplatif ? Une tentative de reconversion esthétisante ? Ces questions sont légitimes, parce qu’elles touchent à quelque chose de sensible : la frontière entre amateur et artiste, entre le faire pour soi et le faire pour être vu.

Mais dans le cas de Vincent Cruège, cette dichotomie ne tient pas. Il n’est pas devenu artiste par accident ou par distraction. Il a toujours créé – non pas sur toile, mais avec des matières vivantes, des climats, des sols, des temps longs. L’élaboration d’un grand vin, comme celle d’une œuvre picturale, demande du tact, de l’intuition, de la rigueur – et surtout une forme de présence au monde. 

La peinture n’est pas pour lui un second métier, mais un autre langage pour dire la même chose : la vibration d’un lieu, le poids d’une lumière, le rythme d’un espace. Et s’il y a dans ses œuvres une apparente simplicité c’est précisément parce qu’elles ne cherchent pas à “prouver” quelque chose. Elles ne demandent pas qu’on les comprenne, mais qu’on les perçoive. 

On pense à la peinture aborigène et à Robert Delaunay, à Frank Stella et à Ugo Rondinone qui tous partagent une certaine économie de moyens, une densité silencieuse, une spatialité sensible. Mais ces filiations se dissipent vite. Car, pour Vincent Cruège, sa peinture semble venir d’un lieu profond où le geste précède l’idée.

Alors non, Vincent Cruège n’est pas un artiste tardif. Depuis plus de trente ans, il compose des vins avec un sens rare de la vibration, de l’accord et de la tension juste. Aujourd’hui, ce geste trouve une nouvelle surface, un autre outil, mais garde la même sincérité. Loin de tout artifice ou d’intellectualisme, sa peinture s’offre comme un prolongement naturel du corps.

Ni “reconversion”, ni rupture : son œuvre est une continuité, une fidélité et une autre manière de célébrer la sensibilité et la lumière californienne.

Louis Espugne-Darses & Christian Pallatier

 

Vincent Cruège est un artiste français né en 1965 à Bordeaux.

Après une carrière de trente-quatre ans dans le domaine de l’œnologie, il se consacre à la peinture. Sa démarche s’ancre dans une fusion d’influences culturelles variées, nourrie à la fois par la nature et les environnements urbains, allant des paysages désertiques de la Death Valley californienne aux lampadaires de Los Angeles.

C’est à la suite d’un séjour de vendanges en Océanie qu’il ressent le besoin de créer. A travers ses œuvres, Vincent Cruège interroge la place de l’être humain dans son environnement et explore son rapport à la nature. Installé aujourd’hui en plein cœur de Bordeaux, son atelier constitue un espace de réflexion et de création, où il peut désormais se consacrer entièrement à sa pratique artistique.

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Entretien 

Christian Pallatier : Bonjour Vincent Cruège, tu es né à Bordeaux et as grandi dans les vignes, comment cette région et son terroir t’ont façonné ?

Vincent Cruège : Ma famille a toujours été très impliquée dans la gastronomie et les métiers de bouche, avec de nombreux chefs d’établissements réputés. Je n’ai pas un parcours à proprement parler viticole, mais ma mère fut une des premières femmes diplômées du titre d’œnologue. J’ai pu être au contact très tôt avec les techniciens du vin qui ont affirmé la maîtrise et la science du vin de l’école bordelaise.

Je suis biochimiste de formation, ce qui m’est utile dans la connaissance des constituants du vin et dans la manière de les orchestrer. 

C.P : Tu es reconnu comme œnologue et tu es aujourd’hui devenu peintre. Ce passage relève-t-il d’une rupture ou s’inscrit-il dans la continuité de ton parcours?

V.C : Tout à fait dans la continuité. Comme pour produire un vin, il faut avoir une vision anticipée de l’objet de la création, et mettre en œuvre des assemblages, soit de cépages ou de lots de vins de parcelles différentes, soit des jeux de couleur ou de structures. Ni le vin ni la peinture ne coulent de source ! (rires) Je sais combien l’apprentissage de l’œnologie est long – et jamais achevé. Je n’aurai pas assez de cette vie-là pour comprendre la peinture.

C.P : Y a-t-il des gestes ou une sensibilité que tu retrouves d’un monde à l’autre ?

V.C : Je crois à la complexité dans la simplicité, qui se fond et devient l’harmonie. Comme dans le vin, il faut une multitude de constituants, qui amène de la profondeur et de la densité, sans qu’aucun de ses constituants ne domine l’autre et devienne perceptible. La peinture comme le vin ne poursuivent pas un but. Elle prennent leur sens dans le processus créatif. 

C.P : Ta peinture semble très libre, mais aussi extrêmement construite. Comment travailles-tu la composition ? Par intuition ? Par sensation ? 

V.C : Les deux mais aussi par besoin de faire, de créer, par des fourmillements d’envie et de plaisir au bout des doigts. Je ne suis jamais aussi bien qu’avec une paire de bottes aux pieds dans les vignes ou un verre à la main dans une dégustation pour parler du vin. Je ressens la même intensité dans l’atelier, la même nécessité avec la peinture.

C.P : Aujourd’hui que tes œuvres sont exposées à la galerie, que voudrais-tu qu’elles transmettent au public ?

V.C : Le plaisir et l’apaisement intérieur, les instants de contemplation libre, le bien-être, la joie, que j’ai ressenti en réalisant ces tableaux. La réalisation de la grande peinture murale dans la galerie avec l’aide d’Antoine Pacheco, artiste récemment diplômé des Beaux-Arts de Bordeaux, participe à cette volonté de partager avec le public la construction d’un espace pictural personnel, au-delà du décoratif.