ENSEMBLES, Série de 6 multiples uniques • 60 × 40 cm, 2019, François Mangeol

LA BOÎTE NOIRE

04.09___11.10.2025 

Une exposition, un catalogue en forme d’énigme

«L’art de François Mangeol (1984) est empreint de références historiques, artistiques, littéraires mais aussi personnelles. L’entrelacs proposé par l’artiste est une invitation à la pérégrination mentale et intellectuelle.

Les œuvres de François Mangeol sont autant d’indices à saisir, jalonnant l’itinéraire que vous êtes libre de tracer. Une production qui se révèle dans les éclats d’une pratique dont l’implacable logique en constitue le fil rouge.»

                                                                                                       Émilie Robert, historienne de l’art

Il est tentant de considérer La Boîte noire comme une rétrospective en creux : un objet qui condense vingt années de pratique tout en refusant la linéarité, la clôture, ou le commentaire surplombant. Fidèle à son vocabulaire plastique – formes textuelles, protocoles visuels, dispositifs de lecture – il orchestre une mise en tension entre l’archive et l’interprétation. 

Mangeol construit une œuvre à la fois discrète et radicale. Cette troisième exposition personnelle à la galerie BAG accompagnée d’un catalogue, La Boîte noire, en est la synthèse troublante. Loin du format classique, ce projet prend la forme d’un espace-objet à plusieurs entrées, conçu comme une énigme. À l’image de la définition technique d’une boîte noire – dispositif d’enregistrement des données d’un vol – le livre rassemble, sans ordre apparent, des pièces, des pensées, des signes. Leur lecture est ouverte, parfois opaque, toujours active.

La référence explicite à la “boîte noire”, cette mémoire technique qui ne révèle ses données qu’en cas d’accident, n’est pas fortuite. Elle indique une double posture : l’œuvre comme trace d’un processus invisible, et le regardeur comme enquêteur, contraint à reconstruire un récit à partir d’indices partiels. À ce titre, l’exposition et le catalogue fonctionnent moins comme une somme que comme un terrain de jeu critique où le langage est en suspension. 

Ce qui traverse l’œuvre de François Mangeol depuis ses débuts, c’est une obsession du cadre et du déplacement. Le langage y est toujours en excès ou en défaut : trop lisible, trop abstrait, trop présent. Il trouble. En cela, l’artiste s’inscrit dans une lignée qui va de la poésie concrète à l’anti-design, en passant par l’art conceptuel ou la sémiotique visuelle

Mais il ne s’y laisse jamais enfermer. Sa singularité tient à une rigueur formelle doublée d’un sens aigu de l’ambiguïté : là où l’on attend du sens, il laisse place à la distance ; là où l’on cherche du récit, il répond par des structures muettes : boîte noire versus white cube, la galerie en développement, version améliorée.

Mangeol interroge : que reste-t-il de l’expérience esthétique lorsqu’elle est archivée, imprimée, traduite en langage ? Peut-on capter l’esprit d’une œuvre sans chercher à la résoudre ? La Boîte noire est autant un recueil qu’un piège à interprétation, où l’artiste poursuit sa réflexion sur la fragilité du sens, et la puissance du silence. 

La Boîte noire n’est pas seulement une exposition à visiter, un livre à lire. C’est une œuvre à activer. Une partition mentale. 

Un piège pour l’œil.

Christian Pallatier

[Bibliographie] (depuis 2020) : 

-MCCXXXIV, 2024

-\sã\, 2023

-Le combientième, 2023

-A la recherche du bonheur, 2022

-Vivre, 2022

-36 réponses intelligentes, 2021

-Shhh, 2021

-Souffler, 2021

-Respirer, 2020

-55 jours, 2020

[Expositions personnelles] (plus récentes) : 

_2024 – “YOLO” Lothaire Temple, Bordeaux – France 

_2023 – “Anthropocene” Bakery Art Gallery BAG, Bordeaux – France 

  2023 – “NO(S) LIMIT(ES)” KAS-KBS, Paris + Nakery Art Gallery BAG, Bordeaux – France 

_2022 – “Les enfants perdus” Bakery Art Gallery BAG, Bordeaux – France 

[Expositions collectives] (sélection – plus récentes) : 

_2025 – “Nouvelles saisons, autoportraits d’un territoire” Arc en rêve, Bordeaux – France

_2024 – “Sculptures from the collection since 1892”, Kaiser Wilhelm Museum – Allemagne 

  2024 – “World Art Dubai” – Emirats arabes unis 

  2024 – “Hommage à Vera Molnár”, Bakery Art Gallery BAG, Bordeaux – France 

_2023 – “De leur temps – ADIAF”, FRAC GRAND LARGE – France 

_2020 – “Just a Matter of Time” ARCO, Madrid – Espagne 

VINCENT CRUEGE

Mojave / Electric Moons du 10 juillet au 29 août 2025

Vernissage le jeudi 10 juillet 2025 de 18h à 21h  

Pour cette première exposition à la Bakery Art Gallery, Vincent Cruège, figure bien connue du monde viticole, présente une grande peinture murale, deux séries de toiles “californiennes”, et ses Pebbles (Galets).

L’arrivée d’un œnologue dans le champ de la peinture peut susciter des réactions : est-ce un caprice tardif ? Un loisir contemplatif ? Une tentative de reconversion esthétisante ? Ces questions sont légitimes, parce qu’elles touchent à quelque chose de sensible : la frontière entre amateur et artiste, entre le faire pour soi et le faire pour être vu.

Mais dans le cas de Vincent Cruège, cette dichotomie ne tient pas. Il n’est pas devenu artiste par accident ou par distraction. Il a toujours créé – non pas sur toile, mais avec des matières vivantes, des climats, des sols, des temps longs. L’élaboration d’un grand vin, comme celle d’une œuvre picturale, demande du tact, de l’intuition, de la rigueur – et surtout une forme de présence au monde. 

La peinture n’est pas pour lui un second métier, mais un autre langage pour dire la même chose : la vibration d’un lieu, le poids d’une lumière, le rythme d’un espace. Et s’il y a dans ses œuvres une apparente simplicité c’est précisément parce qu’elles ne cherchent pas à “prouver” quelque chose. Elles ne demandent pas qu’on les comprenne, mais qu’on les perçoive. 

On pense à la peinture aborigène et à Robert Delaunay, à Frank Stella et à Ugo Rondinone qui tous partagent une certaine économie de moyens, une densité silencieuse, une spatialité sensible. Mais ces filiations se dissipent vite. Car, pour Vincent Cruège, sa peinture semble venir d’un lieu profond où le geste précède l’idée.

Alors non, Vincent Cruège n’est pas un artiste tardif. Depuis plus de trente ans, il compose des vins avec un sens rare de la vibration, de l’accord et de la tension juste. Aujourd’hui, ce geste trouve une nouvelle surface, un autre outil, mais garde la même sincérité. Loin de tout artifice ou d’intellectualisme, sa peinture s’offre comme un prolongement naturel du corps.

Ni “reconversion”, ni rupture : son œuvre est une continuité, une fidélité et une autre manière de célébrer la sensibilité et la lumière californienne.

Louis Espugne-Darses & Christian Pallatier

 

Vincent Cruège est un artiste français né en 1965 à Bordeaux.

Après une carrière de trente-quatre ans dans le domaine de l’œnologie, il se consacre à la peinture. Sa démarche s’ancre dans une fusion d’influences culturelles variées, nourrie à la fois par la nature et les environnements urbains, allant des paysages désertiques de la Death Valley californienne aux lampadaires de Los Angeles.

C’est à la suite d’un séjour de vendanges en Océanie qu’il ressent le besoin de créer. A travers ses œuvres, Vincent Cruège interroge la place de l’être humain dans son environnement et explore son rapport à la nature. Installé aujourd’hui en plein cœur de Bordeaux, son atelier constitue un espace de réflexion et de création, où il peut désormais se consacrer entièrement à sa pratique artistique.

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Entretien 

Christian Pallatier : Bonjour Vincent Cruège, tu es né à Bordeaux et as grandi dans les vignes, comment cette région et son terroir t’ont façonné ?

Vincent Cruège : Ma famille a toujours été très impliquée dans la gastronomie et les métiers de bouche, avec de nombreux chefs d’établissements réputés. Je n’ai pas un parcours à proprement parler viticole, mais ma mère fut une des premières femmes diplômées du titre d’œnologue. J’ai pu être au contact très tôt avec les techniciens du vin qui ont affirmé la maîtrise et la science du vin de l’école bordelaise.

Je suis biochimiste de formation, ce qui m’est utile dans la connaissance des constituants du vin et dans la manière de les orchestrer. 

C.P : Tu es reconnu comme œnologue et tu es aujourd’hui devenu peintre. Ce passage relève-t-il d’une rupture ou s’inscrit-il dans la continuité de ton parcours?

V.C : Tout à fait dans la continuité. Comme pour produire un vin, il faut avoir une vision anticipée de l’objet de la création, et mettre en œuvre des assemblages, soit de cépages ou de lots de vins de parcelles différentes, soit des jeux de couleur ou de structures. Ni le vin ni la peinture ne coulent de source ! (rires) Je sais combien l’apprentissage de l’œnologie est long – et jamais achevé. Je n’aurai pas assez de cette vie-là pour comprendre la peinture.

C.P : Y a-t-il des gestes ou une sensibilité que tu retrouves d’un monde à l’autre ?

V.C : Je crois à la complexité dans la simplicité, qui se fond et devient l’harmonie. Comme dans le vin, il faut une multitude de constituants, qui amène de la profondeur et de la densité, sans qu’aucun de ses constituants ne domine l’autre et devienne perceptible. La peinture comme le vin ne poursuivent pas un but. Elle prennent leur sens dans le processus créatif. 

C.P : Ta peinture semble très libre, mais aussi extrêmement construite. Comment travailles-tu la composition ? Par intuition ? Par sensation ? 

V.C : Les deux mais aussi par besoin de faire, de créer, par des fourmillements d’envie et de plaisir au bout des doigts. Je ne suis jamais aussi bien qu’avec une paire de bottes aux pieds dans les vignes ou un verre à la main dans une dégustation pour parler du vin. Je ressens la même intensité dans l’atelier, la même nécessité avec la peinture.

C.P : Aujourd’hui que tes œuvres sont exposées à la galerie, que voudrais-tu qu’elles transmettent au public ?

V.C : Le plaisir et l’apaisement intérieur, les instants de contemplation libre, le bien-être, la joie, que j’ai ressenti en réalisant ces tableaux. La réalisation de la grande peinture murale dans la galerie avec l’aide d’Antoine Pacheco, artiste récemment diplômé des Beaux-Arts de Bordeaux, participe à cette volonté de partager avec le public la construction d’un espace pictural personnel, au-delà du décoratif.

Tous les samedis du 19 juillet au 23 août 2025, Bakery Art Gallery sera présente à la 27e édition de La Belle Brocante au Cap Ferret.

C’est l’occasion de découvrir des trésors uniques et de partager notre passion pour l’art dans un cadre idyllique, au bord de l’océan.

Informations pratiques : 

Dates : Les samedis 19, 26 juillet et 02, 09, 16, 23 août 2025
Horaires : de 8h à 19h
Lieu : Place Michel Martin, Lège-Cap-Ferret
Contact : 06.12.08.59.54
Entrée gratuite