VINCENT CRUEGE

Mojave / Electric Moons du 10 juillet au 29 août 2025

Vernissage le jeudi 10 juillet 2025 de 18h à 21h  

Pour cette première exposition à la Bakery Art Gallery, Vincent Cruège, figure bien connue du monde viticole, présente une grande peinture murale, deux séries de toiles “californiennes”, et ses Pebbles (Galets).

L’arrivée d’un œnologue dans le champ de la peinture peut susciter des réactions : est-ce un caprice tardif ? Un loisir contemplatif ? Une tentative de reconversion esthétisante ? Ces questions sont légitimes, parce qu’elles touchent à quelque chose de sensible : la frontière entre amateur et artiste, entre le faire pour soi et le faire pour être vu.

Mais dans le cas de Vincent Cruège, cette dichotomie ne tient pas. Il n’est pas devenu artiste par accident ou par distraction. Il a toujours créé – non pas sur toile, mais avec des matières vivantes, des climats, des sols, des temps longs. L’élaboration d’un grand vin, comme celle d’une œuvre picturale, demande du tact, de l’intuition, de la rigueur – et surtout une forme de présence au monde. 

La peinture n’est pas pour lui un second métier, mais un autre langage pour dire la même chose : la vibration d’un lieu, le poids d’une lumière, le rythme d’un espace. Et s’il y a dans ses œuvres une apparente simplicité c’est précisément parce qu’elles ne cherchent pas à “prouver” quelque chose. Elles ne demandent pas qu’on les comprenne, mais qu’on les perçoive. 

On pense à la peinture aborigène et à Robert Delaunay, à Frank Stella et à Ugo Rondinone qui tous partagent une certaine économie de moyens, une densité silencieuse, une spatialité sensible. Mais ces filiations se dissipent vite. Car, pour Vincent Cruège, sa peinture semble venir d’un lieu profond où le geste précède l’idée.

Alors non, Vincent Cruège n’est pas un artiste tardif. Depuis plus de trente ans, il compose des vins avec un sens rare de la vibration, de l’accord et de la tension juste. Aujourd’hui, ce geste trouve une nouvelle surface, un autre outil, mais garde la même sincérité. Loin de tout artifice ou d’intellectualisme, sa peinture s’offre comme un prolongement naturel du corps.

Ni “reconversion”, ni rupture : son œuvre est une continuité, une fidélité et une autre manière de célébrer la sensibilité et la lumière californienne.

Louis Espugne-Darses & Christian Pallatier

 

Vincent Cruège est un artiste français né en 1965 à Bordeaux.

Après une carrière de trente-quatre ans dans le domaine de l’œnologie, il se consacre à la peinture. Sa démarche s’ancre dans une fusion d’influences culturelles variées, nourrie à la fois par la nature et les environnements urbains, allant des paysages désertiques de la Death Valley californienne aux lampadaires de Los Angeles.

C’est à la suite d’un séjour de vendanges en Océanie qu’il ressent le besoin de créer. A travers ses œuvres, Vincent Cruège interroge la place de l’être humain dans son environnement et explore son rapport à la nature. Installé aujourd’hui en plein cœur de Bordeaux, son atelier constitue un espace de réflexion et de création, où il peut désormais se consacrer entièrement à sa pratique artistique.

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Entretien 

Christian Pallatier : Bonjour Vincent Cruège, tu es né à Bordeaux et as grandi dans les vignes, comment cette région et son terroir t’ont façonné ?

Vincent Cruège : Ma famille a toujours été très impliquée dans la gastronomie et les métiers de bouche, avec de nombreux chefs d’établissements réputés. Je n’ai pas un parcours à proprement parler viticole, mais ma mère fut une des premières femmes diplômées du titre d’œnologue. J’ai pu être au contact très tôt avec les techniciens du vin qui ont affirmé la maîtrise et la science du vin de l’école bordelaise.

Je suis biochimiste de formation, ce qui m’est utile dans la connaissance des constituants du vin et dans la manière de les orchestrer. 

C.P : Tu es reconnu comme œnologue et tu es aujourd’hui devenu peintre. Ce passage relève-t-il d’une rupture ou s’inscrit-il dans la continuité de ton parcours?

V.C : Tout à fait dans la continuité. Comme pour produire un vin, il faut avoir une vision anticipée de l’objet de la création, et mettre en œuvre des assemblages, soit de cépages ou de lots de vins de parcelles différentes, soit des jeux de couleur ou de structures. Ni le vin ni la peinture ne coulent de source ! (rires) Je sais combien l’apprentissage de l’œnologie est long – et jamais achevé. Je n’aurai pas assez de cette vie-là pour comprendre la peinture.

C.P : Y a-t-il des gestes ou une sensibilité que tu retrouves d’un monde à l’autre ?

V.C : Je crois à la complexité dans la simplicité, qui se fond et devient l’harmonie. Comme dans le vin, il faut une multitude de constituants, qui amène de la profondeur et de la densité, sans qu’aucun de ses constituants ne domine l’autre et devienne perceptible. La peinture comme le vin ne poursuivent pas un but. Elle prennent leur sens dans le processus créatif. 

C.P : Ta peinture semble très libre, mais aussi extrêmement construite. Comment travailles-tu la composition ? Par intuition ? Par sensation ? 

V.C : Les deux mais aussi par besoin de faire, de créer, par des fourmillements d’envie et de plaisir au bout des doigts. Je ne suis jamais aussi bien qu’avec une paire de bottes aux pieds dans les vignes ou un verre à la main dans une dégustation pour parler du vin. Je ressens la même intensité dans l’atelier, la même nécessité avec la peinture.

C.P : Aujourd’hui que tes œuvres sont exposées à la galerie, que voudrais-tu qu’elles transmettent au public ?

V.C : Le plaisir et l’apaisement intérieur, les instants de contemplation libre, le bien-être, la joie, que j’ai ressenti en réalisant ces tableaux. La réalisation de la grande peinture murale dans la galerie avec l’aide d’Antoine Pacheco, artiste récemment diplômé des Beaux-Arts de Bordeaux, participe à cette volonté de partager avec le public la construction d’un espace pictural personnel, au-delà du décoratif.

VINCENT CRUEGE

Mojave / Electric Moons du 10 juillet au 23 août 2025

Vernissage le jeudi 10 juillet 2025 de 18h à 21h  

Pour cette première exposition à la Bakery Art Gallery, Vincent Cruège, figure bien connue du monde viticole, présente une grande peinture murale, deux séries de toiles “californiennes”, et ses Pebbles (Galets).

L’arrivée d’un œnologue dans le champ de la peinture peut susciter des réactions : est-ce un caprice tardif ? Un loisir contemplatif ? Une tentative de reconversion esthétisante ? Ces questions sont légitimes, parce qu’elles touchent à quelque chose de sensible : la frontière entre amateur et artiste, entre le faire pour soi et le faire pour être vu.

Mais dans le cas de Vincent Cruège, cette dichotomie ne tient pas. Il n’est pas devenu artiste par accident ou par distraction. Il a toujours créé – non pas sur toile, mais avec des matières vivantes, des climats, des sols, des temps longs. L’élaboration d’un grand vin, comme celle d’une œuvre picturale, demande du tact, de l’intuition, de la rigueur – et surtout une forme de présence au monde. 

La peinture n’est pas pour lui un second métier, mais un autre langage pour dire la même chose : la vibration d’un lieu, le poids d’une lumière, le rythme d’un espace. Et s’il y a dans ses œuvres une apparente simplicité c’est précisément parce qu’elles ne cherchent pas à “prouver” quelque chose. Elles ne demandent pas qu’on les comprenne, mais qu’on les perçoive. 

On pense à la peinture aborigène et à Robert Delaunay, à Frank Stella et à Ugo Rondinone qui tous partagent une certaine économie de moyens, une densité silencieuse, une spatialité sensible. Mais ces filiations se dissipent vite. Car, pour Vincent Cruège, sa peinture semble venir d’un lieu profond où le geste précède l’idée.

Alors non, Vincent Cruège n’est pas un artiste tardif. Depuis plus de trente ans, il compose des vins avec un sens rare de la vibration, de l’accord et de la tension juste. Aujourd’hui, ce geste trouve une nouvelle surface, un autre outil, mais garde la même sincérité. Loin de tout artifice ou d’intellectualisme, sa peinture s’offre comme un prolongement naturel du corps.

Ni “reconversion”, ni rupture : son œuvre est une continuité, une fidélité et une autre manière de célébrer la sensibilité et la lumière californienne.

Louis Espugne-Darses & Christian Pallatier

 

Vincent Cruège est un artiste français né en 1965 à Bordeaux.

Après une carrière de trente-quatre ans dans le domaine de l’œnologie, il se consacre à la peinture. Sa démarche s’ancre dans une fusion d’influences culturelles variées, nourrie à la fois par la nature et les environnements urbains, allant des paysages désertiques de la Death Valley californienne aux lampadaires de Los Angeles.

C’est à la suite d’un séjour de vendanges en Océanie qu’il ressent le besoin de créer. A travers ses œuvres, Vincent Cruège interroge la place de l’être humain dans son environnement et explore son rapport à la nature. Installé aujourd’hui en plein cœur de Bordeaux, son atelier constitue un espace de réflexion et de création, où il peut désormais se consacrer entièrement à sa pratique artistique.

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Entretien 

Christian Pallatier : Bonjour Vincent Cruège, tu es né à Bordeaux et as grandi dans les vignes, comment cette région et son terroir t’ont façonné ?

Vincent Cruège : Ma famille a toujours été très impliquée dans la gastronomie et les métiers de bouche, avec de nombreux chefs d’établissements réputés. Je n’ai pas un parcours à proprement parler viticole, mais ma mère fut une des premières femmes diplômées du titre d’œnologue. J’ai pu être au contact très tôt avec les techniciens du vin qui ont affirmé la maîtrise et la science du vin de l’école bordelaise.

Je suis biochimiste de formation, ce qui m’est utile dans la connaissance des constituants du vin et dans la manière de les orchestrer. 

C.P : Tu es reconnu comme œnologue et tu es aujourd’hui devenu peintre. Ce passage relève-t-il d’une rupture ou s’inscrit-il dans la continuité de ton parcours?

V.C : Tout à fait dans la continuité. Comme pour produire un vin, il faut avoir une vision anticipée de l’objet de la création, et mettre en œuvre des assemblages, soit de cépages ou de lots de vins de parcelles différentes, soit des jeux de couleur ou de structures. Ni le vin ni la peinture ne coulent de source ! (rires) Je sais combien l’apprentissage de l’œnologie est long – et jamais achevé. Je n’aurai pas assez de cette vie-là pour comprendre la peinture.

C.P : Y a-t-il des gestes ou une sensibilité que tu retrouves d’un monde à l’autre ?

V.C : Je crois à la complexité dans la simplicité, qui se fond et devient l’harmonie. Comme dans le vin, il faut une multitude de constituants, qui amène de la profondeur et de la densité, sans qu’aucun de ses constituants ne domine l’autre et devienne perceptible. La peinture comme le vin ne poursuivent pas un but. Elle prennent leur sens dans le processus créatif. 

C.P : Ta peinture semble très libre, mais aussi extrêmement construite. Comment travailles-tu la composition ? Par intuition ? Par sensation ? 

V.C : Les deux mais aussi par besoin de faire, de créer, par des fourmillements d’envie et de plaisir au bout des doigts. Je ne suis jamais aussi bien qu’avec une paire de bottes aux pieds dans les vignes ou un verre à la main dans une dégustation pour parler du vin. Je ressens la même intensité dans l’atelier, la même nécessité avec la peinture.

C.P : Aujourd’hui que tes œuvres sont exposées à la galerie, que voudrais-tu qu’elles transmettent au public ?

V.C : Le plaisir et l’apaisement intérieur, les instants de contemplation libre, le bien-être, la joie, que j’ai ressenti en réalisant ces tableaux. La réalisation de la grande peinture murale dans la galerie avec l’aide d’Antoine Pacheco, artiste récemment diplômé des Beaux-Arts de Bordeaux, participe à cette volonté de partager avec le public la construction d’un espace pictural personnel, au-delà du décoratif.

THIBAULT FRANC

Trafic / Sous leur ombre

// 15.05 au 28.06__2025

 

PROLONGATION JUSQU’AU 5 JUILLET 2025 !

Une constante dans mon travail consiste à mettre en relation nature et culture, écologie et histoire de l’art. Parce que je cherche à responsabiliser mes contemporains sur leur rapport au monde devenu dangereux, mais aussi parce que j’associe différents domaines de la culture pour les faire fonctionner ensemble à la façon d’un écosystème. Comme en permaculture, il s’agit de faire avec plutôt que contre, c’est-à-dire de bricoler avec l’existant, tout en accueillant un maximum de diversité dans l’espace de l’œuvre, pareille à un petit jardin.

Je vais donc trafiquer des images et des œuvres, des objets et des concepts, les remettre en mouvement quitte à les détourner. Il ne s’agit pas de déplacer des œuvres pour les revendre, comme dans le trafic d’art, mais d’œuvrer à des déplacements de sens, un renversement, un art du trafic. On est déjà dans la sphère des échanges aériens internationaux où les appareils peuvent être détournés par des pirates espérant les amener à se poser ailleurs.

Aujourd’hui l’avion est devenu un symbole bien moins positif que celui du seul envol libérateur, capable de donner au monde une nouvelle unité. Le « flight shame », la honte de prendre l’avion, « flygskam » en suédois à l’origine, « avihonte » en français, est un phénomène bien réel. A chacun de juger son impact sur l’environnement, mais les silhouettes d’avions jaunes qui figurent sur internet le trafic en temps réel, sont fascinantes pour un plasticien. Il y a tellement d’appareils à l’écran que le monde semble disparaître par moment, on ne devine presque plus les pays cachés sous la représentation des flux de voyageurs, ou plutôt ce sont ces flux qui donnent leur forme aux continents. Comment réagirions-nous si les avions passaient devant les œuvres dans les musées, en nous empêchant de regarder ?

On a donc un nouveau calque, un masque comme ceux que je fais apparaître sur le visage des artistes, grands maîtres du passé qui deviennent eux aussi des brigands et des pirates, des monte-en-l’air. Les avions rajoutent une couche de couleur sur les cartes, ils montrent et dissimulent en même temps, et nous vivons sous leur ombre, comme nous vivons dans celle de tous les esprits qui nous ont précédés, et qui font la belle terre noire de la culture. Vivre dans l’ombre c’est à la fois bénéficier de ce sol, et un temps de la protection du feuillage des grands arbres, mais aussi chercher de plus en plus la lumière, en espérant une brèche dans la forêt suite à un coup de vent.

Aujourd’hui la tempête est là, crise de civilisation qui vient balayer nos habitudes de confort, notre confiance dans la continuité historique, ce qui est à la fois effrayant, et une chance pour les artistes. Car on peut étouffer sous trop de culture, d’où l’intérêt que je trouve à jouer au sauvage, à réemployer des fragments d’œuvres, des citations plus ou moins tranchantes, comme des haches de pierre taillée. Ré-utiliser, c’est upcycler des images en savourant ce qui nous est déjà donné, plutôt que de toujours rêver de nouveaux horizons. L’avion lui aussi nous vend cet espoir de nous dépayser, quand nous ne faisons qu’uniformiser le monde en nous exportant nous-mêmes.

Pour changer de monde, mieux vaut peut-être affiner nos connaissances et nos sensations là où nous sommes déjà : cultiver notre jardin intérieur, peuplé d’ombres à nommer, à apprivoiser, dans le jeu sans fin de la relecture et de la transmission.

Thibault Franc est un artiste français né en 1976 à Bordeaux. Après des études de philosophie, il se consacre aux arts visuels, explorant des disciplines comme le dessin, la peinture, la sculpture et l’art numérique. Son œuvre se caractérise par une fusion d’éléments urbains et naturels, reflétant une quête constante d’équilibre entre sophistication et nature. En 2019, il s’installe en Aveyron, où il combine sa pratique artistique avec des activités liées à la biodiversité et à l’autonomie rurale. Son atelier, rénové en 2023 avec le soutien de la Région Occitanie, est situé en pleine nature, offrant un espace propice à la création et à la réflexion.

QUELQUES PHOTOGRAPHIES // PAR DENIS THOMAS

Crédits photographiques : © 2025 Denis Thomas 

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