Je fais la queue mes courses à la main
et je veux sortir sans incident*

“Corrupted selection“ dans la collection MULTIPLES de CNEAI=
(Centre national édition art image).

Du 27 août au 14 novembre 2020

The John Giorno Poetry Day, l’hommage rendu à John Giorno (1936-2019) par le Centre Pompidou dans le cadre d’Extra ! le festival de la littérature vivante (11-27 sept. 2020**), est le socle de cette exposition. Cette “sélection corrompue“ dans la collection Multiples du Cneai présente 33 artistes soigneusement choisis pendant le confinement qui accompagnent un voyage intérieur composé de paysages abstraits, multiples et intranquilles (Julien Carreyn, Anne Frémy, Officeabc, Sigurdur Arni Sigurdsson). Les artistes y pratiquent des jeux d’intervalles mentaux circulant comme des surfaces d’inscription de poèmes (Catch a falling knife, John Giorno), de slogans (Le vide est ailleurs, Philippe Cazal), d’affiches (Lessive, Michel Journiac), de photographies (Olivier de Bouchony), d’objets et de sons (Michael Morley, Aurélie Pétrel, Lee Ranaldo, Leah Singer).

À leur tour, iIs dénoncent les rêveries consommatrices (Claude Closky, Yann Sérandour), écoutent la résonnance des mots sur les murs d’appartement/monde (Anne-James Chaton, Gérard Collin-Thiébaut), font l’expérience de pratiques imaginaires (J’ai rêvé de l’avoir énorme pour te combler, Noël Dolla, Paul-Armand Gette, Elke Krystufek), de la beauté inutile (M/M (Paris)), de la lenteur et de la perte des repères (François Curlet, Karl Holmqvist, Erwin Wurm).

Ils vivent au rythme de la littérature (Koenraad Dedobbeleer) et de l’usage de l’œuvre comme une chambre secrète, un canapé où l’on se vautre, un masque protecteur (I Love to make art, I Hate to create a public, Herman Steins, Le choix du titre est un faux problème, Samon Takahashi), ils théâtralisent l’espace en réduisant l’écart entre les unités de lieu, d’action et de temps, reprenant sa juste mesure (Leonor Antunes, Peter Downsbrough, Yona Friedman, Vera Molnár)***.

Nos écrans d’ordinateur dessinent le quatrième mur d’une pièce dont tous les rappels ne sont pas encore joués (Antigona, M/M (Paris), It will never go again, David Shrigley). Il faudra demain réévaluer le partage entre espace public/privé, l’hybridité entre présentiel/distanciel, célébrer un nomadisme festif et néanmoins prudentiel.

Christian Pallatier
Historien d’art, commissaire d’exposition indépendant.

 

J’ai traversé un confinement semblable sous bien des aspects à celui de William Burroughs dans le placard de son bunker, bien loin d’être un simple enfermement en un lieu clos. Un “simple“ placard de bois – intérieurement recouvert de métal (Orgone box) – où il se tenait reclus, assis sur une chaise pour se ressourcer en énergie vitale. J’ai joui et souffert de la posture du solitaire, de l’inactif et aussi ennuyeux que cela ait pu sembler parfois, cela a permis de développer des formes inédites de création, de communication et de solidarité.

* Le titre de l’exposition est tiré d’une œuvre de John Giorno : Je fais la queue mes courses à la main et je veux sortir sans incident, Gravure avec impression en noir sur papier vélin d’arches, 120 x 120 cm, Édition Cneai, Chatou, 2005.

** Samedi 19 septembre à partir de 18h30 : rencontre-performance en public et sur facebook produite par Permanences de la littérature en partenariat avec BAG___bakeryartgallery / live internet du Centre Pompidou à la galerie BAG.

*** Les œuvres sont en vente à des prix allant de 20 € à 2 000 €.