HISTOIRE DU LIEU
L’hôtel saint-françois ou hôtel de la perle
L’HÔTEL SAINT-FRANÇOIS ou Hôtel de la Perle est un immeuble construit à Bordeaux au milieu du XIXème siècle, à l’angle de la rue Saint-François et de la rue du Mirail. Dans un contexte de renouvellement du langage architectural propre au XIXème siècle, l’Hôtel de la Perle est bâti sur les vestiges de l’immense ancien hôtel particulier du XVIIème (1656).
Le projet initial des années 1855-1860 est mené par l’architecte et entrepreneur Antoine Théodore Audubert. Il s’axe sur l’accueil d’espaces commerciaux et les étages sont monopolisés par des appartements réservés à des artisans. A. T. Audubert met son art au service des artisans et ouvriers, sans badiner sur la silhouette volumineuse de l’hôtel ou sur la parure de décoration extérieure. C’est la dernière œuvre de sa vie.
Les XIXème et le début du XXème sont bercés par la doctrine hygiéniste, motivant les innovations architecturales et l’avènement de nouvelles méthodes de construction. La construction de l’hôtel est empreinte de modernité par son recours à l’acier, à la ferronnerie et aux premiers blocs de béton armé de Bordeaux.
Les décorations symboliques du bâtiment, son ampleur architecturale, la modernité des techniques mises en œuvres et la recherche de la fonctionnalité qui a guidé ses constructeurs en font un témoignage de la France populaire et de l’habitation collective de l’époque.
L’immeuble se métamorphose, change de propriétaires, se dégrade mais tient toujours debout jusqu’au début du XXIème siècle. En 2000, la SCI du Mirail Saint-François entreprend des travaux de réhabilitation et de nettoyage par le biais de la SOCRA (Société spécialisée de la restauration et conservation d’œuvres d’arts et monuments anciens). En 2013, l’immeuble est finalement classé aux Monuments Historiques afin d’amorcer une dernière campagne de restauration, en vue d’unir les besoins fonctionnels actuels tout en exposant les éléments de structure du XIXème siècle.
Aujourd’hui, l’histoire du lieu participe à l’enrichissement de ce qui vit à l’intérieur ; elle continue de s’écrire en abritant une boulangerie et une galerie d’art contemporain.
Antoine Théodore Audubert est né en 1819 à Bordeaux. Il épouse Jeanne Videau en 1844. L’architecte est un Saint-Simonien, adepte des théories hygiénistes. Entrepreneur de bâtisse, il ne semble pas qu’il ait conçu d’autres constructions. Il décède en 1893 à Arcachon.
LES FAÇADES
La façade la plus vaste est celle de la rue Saint-François, qui donne au nord. Sur cinq niveaux et seize travées, elle est percée de soixante-deux baies surmontées de frontons baroques. Le premier balcon de la travée centrale est porté par pierre sculptée représentant un aigle, ailes déployées. Sur son garde-corps en fonte figurent un compas et une équerre dans l’ovale d’un blason — symbole franc-maçon, emblème des architectes ou initiales stylisées d’Antoine Audubert ? Le balcon qui le surplombe, élément le plus remarquable de l’immeuble, est soutenu par un homme statufié aux allures d’ouvrier, assis, jambes écartées, prenant appui de ses pieds sur la corniche inférieure, chemise ouverte, manches retroussées et pantalon flottant — et dominant de fait le rapace mythique, comme « délivré de sa monture mais asservi par l’architecture ». Deux petits sphinx l’encadrent, aux extrémités du balcon.
Les linteaux de quelques fenêtres sont sculptés de visages. Des atlantes marquent la limite du dernier étage.
La façade ouest, côté rue du Mirail, est percée d’une vaste porte aux battants de bois ouvragés. L’encadrent deux cariatides : une femme à la poitrine dénudée (allégorie de la Nature) à droite, un homme (la Science) qui semble lorgner ses seins à l’aide d’une longue-vue à gauche. Des putti portant la masse et le ciseau des tailleurs de pierres la surplombent. La palette et le pinceau d’un peintre flanquent un chapiteau ionique
À l’intérieur, s’ouvre un escalier monumental. Ses contremarches sont sculptées, ses rampes sont décorées de bas-reliefs, au travers desquels l’architecte a mis en scène dans une marche ascendante le progrès de l’architecture : la représentation d’un dolmen orne la cave, tandis que le dernier étage dévoile une reproduction de la façade de l’hôtel et une locomotive qui franchit un fleuve sur un pont métallique (la passerelle Saint-Jean que Gustave Eiffel construit à la même époque sur la Garonne ?). Entre les deux, d’autres bas-reliefs écrivent une histoire des monuments célèbres — largement illustrés d’édifices bordelais —, évoquent l’industrie bordelaise ou glorifient les rôles de l’architecte et du chef de travaux, représentés livre à la main, entourés des ouvriers du bâtiment (charpentier, forgerons, tailleurs de pierre, maçon..).
D’autres détails parsèment la construction : cours et escaliers intérieurs, fontaines notamment.
À sa construction, l’immeuble est à la pointe de la modernité : la cage d’escalier est éclairée au gaz, tous les appartements sont équipés de sonnettes électriques et de porte-voix. Les locataires peuvent utiliser un lavoir, installé sur un toit-terrasse. L’eau court à tous les étages
En 2012, une cinquantaine de locataires occupent l’immeuble, propriété d’une SCI. Nombre de sculptures, en façade ou à l’intérieur, sont délabrées : le visage du portefaix par exemple est tombé à la fin du XX siècle. Cette année là, le projet des propriétaires d’installer un ascenseur, endommageant gravement la cage d’escalier, provoque des manifestations de défenseurs du patrimoine bordelais. La préfecture prend un arrêté d’instance de classement pour faire interrompre les travaux.
Par arrêté du 22 mai 2013 l’hôtel dans son intégralité, cour comprise, est classé monument historique.
La Conservation Régionale des Monuments Historiques a missionné une agence spécialisée pour établir un diagnostic chiffré des travaux nécessaires au respect à la fois des objectifs fonctionnels du maître d’ouvrage et du respect de cette architecture. Cette intervention a eu pour objectif de déplacer la cage d’ascenseur, de restaurer la cage d’escalier, de restaurer l’entrée rue Saint-François et de restaurer les menuiseries extérieures de quatre appartements.
La phase finale de travaux pour la restauration des façades extérieures, de la porte et des parties sculptées s’est achevée à l’automne 2019.